Combat de coulours du 29 novembre 1870

Pendant la guerre franco prussienne de 1870-1871, déclarée le 2 août 1870, la 2ème armée prussienne du prince Frédéric Charles s’était lancée à la poursuite des armées françaises du général Chanzy, et occupait une ligne de Troyes à Sens, au début novembre 1870.    

Une compagnie de Landwehr  ⃰  d’environ 200 hommes du 118e régiment d’infanterie 4e régiment de la Hesse s’installa en garnison à Villeneuve l’Archevêque pour assurer les ravitaillements de cette 2e armée et surveiller les villes d’étapes.  

 ⃰  troupes de réserves prussiennes souvent composées de soldats âgés, chargées du ravitaillement, des réquisitions et de la protection des voies de communications.

Le  29 novembre 1870 au matin une quarantaine  de soldats prussiens furent détachés de cette garnison pour effectuer des réquisitions de fourrage dans les villages de Vaudeurs et Coulours situés à environ 8 Km au sud.

Arrivés à Coulours, une vingtaine de soldats se dirigea sur Vaudeurs tandis que l’autre moitié resta sur place et commença les réquisitions de foin et d’avoine qui furent chargées sur des charrettes appartenant aux villageois.

Une compagnie de francs-tireurs  du Doubs, d’environ 150 hommes  commandés par le capitaine Ordinaire, très déterminés et surtout très mobiles, attaquaient régulièrement ces groupes de prussiens peu nombreux et leurs occasionnaient des pertes de plus en plus importantes dans le nord de l’Yonne, ils allaient ensuite se réfugier à l’abri dans la forêt d’Othe avec l’aide de la population qui leur était toute acquise.  

 ⃰ pendant toute la durée de cette guerre les francs-tireurs ont fait une guérilla à outrance contre les prussiens et bien souvent achevaient les blessés. Ils étaient fusillés sans autre forme de procès lorsqu’ils étaient pris par les prussiens.                                           

Quelques jours auparavant le 25 novembre, la garnison prussienne d’Auxon dans l’Aube, venait d’être attaquée par cette compagnie, et leur avaient tué  9 hommes. Ces francs-tireurs après avoir livré des prisonniers prussiens à Saint Florentin et s’être rééquipés, patrouillaient de nouveau dans la Forêt d’Othe, lorsqu’ils furent avertis par des éclaireurs de la présence des prussiens à Coulours. Sans perdre un instant le capitaine rallia ses groupes qui étaient à Founaudin, Villesabot, et Les Cormiers  et alla se poster vers 14h avec tous ses hommes à la sortie du village, sur la route de Villeneuve, son plan primitif étant d’attendre le retour des prussiens et de de les attaquer au milieu des champs.

 Vers 16 h le jour commençait à tomber et lassé d’attendre, le capitaine craignant que les prussiens puissent s’échapper à la faveur de la nuit, décida de les attaquer au milieu du village en se faufilant au milieu des fossés et des haies. Arrivés aux premières maisons de la rue de l’église, ils tirèrent des coups de feu en l’air, au cri de « sauvez les français » pour avertir la population et commencèrent le feu contre les prussiens regroupés au milieu de la place, qui attendaient le retour du groupe parti sur Vaudeurs. Ceux-ci tentèrent tout d’abord de résister mais reconnaissant des francs-tireurs et connaissant leur réputation, se débandèrent et prirent la fuite, laissant  trois d’entre eux tués et deux autres blessés grièvement ; Au même instant la patrouille, qui revenait de Vaudeurs, a préféré se sauver devant ce combat inégal.       

Les francs-tireurs qui n’avaient eu aucune perte s’apprêtaient à achever les blessés, qui ne durent leur salut qu’à l’intervention du maire de Coulours  ⃰  qui les fit transporter chez Armand Morvan et Félicien Viot et les fit soignés.  Un vieillard du pays, Alexis Morvan, fut tué par une balle perdue.  

  Sellier Zéphirin 1er conseiller faisait office de maire, le précédent avait démissionné à la proclamation de la république le 4 septembre 1870, et son 1er adjoint avait été assassiné quelques mois plus tôt.     

Le lendemain 30 novembre, environ 300 prussiens venant de Villeneuve se déployèrent en tirailleurs autour du village où avant d’arriver ils tuèrent Hilaire Legros, dans un champ, le prenant pour un franc-tireur. Ils investirent le village après s’être assurés qu’il ni avait plus de francs-tireurs, réunirent tous les hommes du village, et les enfermèrent dans un terrain clos appartenant à M Renard puis  commencèrent le pillage du village ;

Quelques femmes du village s’étaient cachées au sommet du clocher et les prussiens les ayant entendu parler, firent feu croyant avoir à faire à des francs-tireurs. Un officier s’apercevant de la méprise fit cesser le tir et descendre les femmes, dont l’une d’elle Mme A Legros, blessée à la main fut soignée par le médecin major.  Le pillage des maisons dura environ 4 h et seules, celles du maire et trois autres, où des blessés prussiens avaient été transportés et soignés la veille furent épargnées. 

Les prussiens emmenèrent une vingtaine de chevaux ainsi que les vaches et moutons qu’ils trouvèrent, ils s’apprêtaient aussi à brûler les maisons, lorsque le maire vint leur rappeler que les soldats avaient été soignés la veille ;  Son intervention  sauva le pays de l’incendie, mais le commandant prussien frappa le village d’une amende de 20.000 francs et emmena 5 otages  qui seraient rendus après le paiement de la rançon.  

 ⃰  Jean Rousseau, Louis Renard, Auguste Gérard, Victor Baumet, Etienne Foiry

De retour à Villeneuve l’Archevêque, des soldats prussiens témoignèrent auprès de leur commandant, qu’ils avaient pu se cacher dans des maisons sans qu’il leur soit fait aucun mal et qu’aucun villageois n’avait tiré contre eux, aussi le commandant fit rendre les otages ainsi que les chevaux mais confirma l’amende, que la commune bien incapable de payer, fut obligée d’emprunter à Mr Pierre, négociant en grain de Villeneuve.

 Les prussiens eurent trois tués à Coulours, qui sont inhumés auprès de l’église du village dans une tombe militaire « loi du 4 avril 1873 »

  Uhrig Adolph    Guth Johan,    Buter Konrad

Ils appartenaient tous les trois au 118e régiment d’infanterie.  

Les deux autres soldats prussiens  trop grièvement blessés pour être  transportés à Villeneuve l’Archevêque restèrent à Coulours où ils décédèrent.

  ⃰  D’après un rapport d’Octave Rameau effectué en septembre 1871, ces deux soldats, après leur décès, auraient été enterrés anonymement dans un terrain privé de Coulours, (sans preuve) ; Plus certainement le capitaine Ordinaire les aurait emmenés avec lui et achevés plus loin (suggestion de l’auteur)  les corps n’ont jamais été retrouvés.  

En 1872 les parents d’Adolphe Uhrig vinrent, de Darmstadt Hesse, pour se recueillir sur la tombe de leur fils, achetèrent, à la mairie, la concession de leur enfant, et firent édifier une pierre tombale.                            

En 1876 le gouvernement français acheta la concession pour les trois soldats et la déclara « Tombe militaire de par la loi du 4 avril 1873 »  

En 2014 un groupe de recherches militaires franco-allemand a rénové la tombe et fait apposer une plaque avec les noms des trois soldats.  (voir photo)           

Sources                                                                                                 

  • Archives nationales
  • Archives départementales de l’Yonne
  • Bibliothèque d’Auxerre
  • Archives départementales de l’Aube
  • Rapport d’Octave Rameau historien journaliste de l’Aube 1872
  • Archives militaires allemandes
  • Henri Brisbois

Etat des pertes prussiennes pendant la guerre franco prussienne de 1870-1871 dressé par l’état major allemand et le capitaine Leclerc en 1876       source : archives militaires

Photo Jean Paul Blanchard