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combat d’Esnon du 18 novembre 1870

Pendant la guerre franco-prussienne de 1870-1871, après la capitulation d’une armée française de Metz le 27 octobre 1870, le prince Frédéric Charles, qui commande la 2e armée prussienne, vient de recevoir l’ordre du quartier général prussien de rallier Orléans où une d’armée française s’est reconstituée. Frédéric-Charles arrive à Troyes le 8 novembre et occupe une ligne complète jusqu’à Sens, où il arrive le 10 et reçoit en même temps l’information de la défaite d’une armée allemande à Coulmiers (9 novembre). Laissant derrière lui des compagnies de landwehr  il reprend avec ses corps d’armées (3e 10e  et le corps de la garde) une marche forcée vers Orléans pour secourir les armées prussiennes battues.

troupes de réserves souvent composées de soldats âgés, chargées du ravitaillement, des réquisitions et de la protection des voies de communications

Prince Frédéric Charles

Le 3e corps d’armée du général lieutenant von Alvensleben II, pour éviter trop d’encombrement dans le passage des troupes, emprunte une route plus au sud par Brienne le Château, Vendeuvre, Chaource (Aube), Saint Florentin, Joigny (Yonne), Courtenay, Montargis (Loiret).

 5e division d’infanterie, général lieutenant von Stülpnagel , 6e division d’infanterie, général lieutenant von Büddenbrock

Général Von Voigts-Rhetz

 

Le 10e corps d’armée du général Von Voigts-Rhetz, en quittant le siège de Metz, avait pris une route plus au sud-est afin d’occuper la ligne de chemin de fer Chaumont, Châtillon sur Seine, Tonnerre, celle de Dijon à Tonnerre, ensuite remonter sur Saint Florentin, Joigny, Courtenay et enfin rallier à Montargis toute la 2e armée du prince Frédéric Charles.

19e division d’infanterie, général lieutenant Von Schwartzkoppen, 20e division d’infanterie, général major Von Kraatz-Koschlau

Lieutenant Général von Schwartzkoppen

Il laisse quelques troupes de Landwehr en garnison à Chatillon sur Seine (21) et Tonnerre puis envoie un bataillon occuper Auxerre. Le général prussien prend la direction de Saint Florentin où il arrive le 17 novembre, envoyant par précaution le 57e régiment (8e régiment de Westphalie) s’installer en avant-garde à Champlost et le 78e régiment (Frise orientale) à Avrolles. Ce sont ces régiments qui se heurteront le lendemain, 18 novembre à Esnon aux gardes nationaux de Joigny, telle est la situation des forces côté prussien.

Voyons maintenant les forces françaises : Sur ordre de la république (proclamée le 4 septembre 1870) le département de l’Yonne forme 54 bataillons de gardes sédentaires ⃰   

  Hommes âgés de 20 ans à 50 ans, qui pour des raisons diverses n’ont pas été enrôlés dans l’armée régulière, ni dans la garde mobile, et ni dans la garde nationale mobilisée, et qui sont seulement chargés de défendre les villes et d’assurer l’ordre dans de leurs cantons respectifs   

Quatre bataillons seront ainsi formés à Joigny. Trois d’entre eux seront rappelés à Auxerre dès le 10 novembre 1870, les 2e commandant Dupont natif de Béon, 3e commandant Frédéric Darde et 4e commandant Rastel natif d’Epineau les Voves. Seul le premier bataillon ⃰  (environ 600 hommes) sous les ordres du commandant Lefèvre-Mocquot reste pour la défense de Joigny, et combattra le 18 novembre contre les prussiens.

⃰  1ère  compagnie, capitaine en 1er Alphonse Zanote, Antoine Spire capitaine en 2ème lieutenants Vigreux et Paul Couturier, sous-lieutenants François Bisson et Drain-Maugy

2e compagnie, capitaine en 1er Bonnerot, Perrot capitaine en 2eme lieutenants Larcher et Torcher, sous-lieutenants Barsuraume et Desenclos

3e compagnie, capitaine en 1er Grenet, Clouet capitaine en 2eme lieutenants Coquard et Arnould, sous-lieutenants Pouillot et Louis Raclos

4e compagnie, capitaine Eugène Mouroux, lieutenants Henri Cochard et Alexandre Grugé, sous-lieutenants Alphonse Dumont et Labrosse

5e compagnie, formée de pompiers capitaine Marcel Renouard, lieutenants, Eugène Bouron et Alexandre Drugé, sous-lieutenant, Jovignot

Bien conscient de la médiocre valeur militaire de ces bataillons sédentaires et afin d’éviter des carnages inutiles, le commandement militaire de l’Yonne avait dès le 25 octobre 1870 précédent, envoyé à tous les chefs de bataillon du département, la consigne de ne jamais s’attaquer à des forces supérieures, mais de seulement surveiller le déplacement des troupes prussiennes et de rendre compte et de tenter des coups de mains contre les patrouilles ennemies ou des troupes isolées peu nombreuses. Le commandant Lefèvre-Mocquot reçoit le 16 novembre un télégramme du colonel Bordonave l’informant qu’une force prussienne importante vient de quitter Tonnerre et semble se diriger vers le nord-ouest sans pouvoir préciser la route exacte. Afin d’être renseigné il envoie le 17 au matin des patrouilles de reconnaissance vers Saint Florentin et sur la route d’Auxerre. Cette dernière revient en rendant compte d’aucun mouvement de troupe, mais celle de Saint Florentin signale des troupes prussiennes peu importantes stationnées à Avrolles et Champlost et que le gros des forces est resté à Saint Florentin.

 Lefèvre-Mocquot pense alors que ce corps d’armée va rejoindre Sens par la route directe d’Arces et Cerisiers, les troupes d’Avrolles et Champlost servant uniquement de couverture sur le flanc ouest de cette armée.      

Le 17 novembre au soir il prend la décision de rassembler son bataillon aux premières heures du 18 et de marcher sur Migennes et Brienon pour surveiller la marche de ce corps d’armée. Ce qu’il ne sait pas c’est que les prussiens vont emprunter la route de Joigny, Douchy, Château Renard, pour rejoindre Montargis leur lieu de ralliement avant Orléans, et qu’il se heurtera à Esnon aux 57e et 78e régiments prussiens qui forment l’avant-garde de ce corps d’armée.

Le 18 novembre à 3 heures du matin les cinq compagnies (environ 600 hommes) de Joigny avec le commandant Lefèvre-Mocquot à leur tête se regroupent à la sortie de la ville et prennent la direction de Laroche où ils arrivent aux premières lueurs de l’aube, ralliés par une cinquantaine de gardes de cette ville. Le commandant envoie des éclaireurs en avant-garde sur Brienon pour connaitre la direction exacte de l’armée prussienne et pouvoir ainsi la surveiller, pensant toujours que celle-ci va prendre la direction nord-ouest d’Arces Cerisiers pour rejoindre Sens. Ceux-ci revenus de leur patrouille, lui annoncent qu’une colonne prussienne peu importante se trouve à Brienon et se dirige sur Esnon. Lefèvre-Mocquot pense toujours qu’il s’agit seulement de quelques compagnies de couverture sur le flanc ouest de ce corps d’armée qui doit se diriger plus au nord, et décide d’embusquer ses hommes et attendre un moment propice pour attaquer des groupes isolés.  En fait ses éclaireurs ont aperçu les avant-gardes des 57e et 78e régiments, stationnés la veille à Champlost et Avrolles, qui se dirigent plein ouest en direction de Joigny, et auxquels il va se heurter à Esnon.

Lefèvre-Mocquot fait disposer les 4e et 5e compagnies à gauche de la route au bois de Garenne derrière le château d’Esnon, et les 1e et 2e à droite à côté de la ferme de Prémartin, la 3e compagnie s’embusquant derrière les parapets du pont du canal. Il laisse aussi en arrière à la Ferme de Chaumançon, située en hauteur, quelques observateurs, qui pourront le renseigner sur les mouvements des troupes prussiennes.

Les premiers éclaireurs prussiens apparaissent vers 9 heures, avançant déployés en tirailleurs, craignant des coups de mains des francs-tireurs

  ⃰ pendant toute la durée de cette guerre les francs-tireurs ont fait une guérilla à outrance contre les prussiens et bien souvent achevaient les blessés. Ils étaient fusillés sans autre forme de procès lorsqu’ils étaient pris par les prussiens   

Arrivés à hauteur du château, les éclaireurs prussiens reçoivent une salve de coups de fusils des gardes embusqués, et sont aussi attaqués par ceux de la ferme de Prémartin. Le ralliement est sonné et tous les soldats (2.500 hommes) des deux régiments prussiens arrivent à la rescousse et installent une batterie de canons sur la hauteur d’Esnon et commencent à tirer sur la ferme de Prémartin et sur le château. Après une heure de combat le commandant Lefèvre-Mocquot s’aperçoit qu’il a à faire à des troupes beaucoup plus nombreuses que les siennes, aussi fait-il décrocher vers le pont du canal, les 4e et 5e compagnies qui faisaient toujours le coup de feu bien retranchées derrière le château d’Esnon  puis rejointes par celles de la ferme Martin. Les prussiens avancent prudemment, plusieurs de leurs hommes sont à terre, et craignent toujours d’avoir à faire à des groupes de francs-tireurs. Bien à l’abri derrière les parapets et les talus de la voie de chemin de fer, le combat continue encore une heure, mais le manque de munitions et les nouveaux renforts prussiens qui arrivent, obligent la commandant Lefèvre-Mocquot à ordonner la retraite sur les villages d’Ormoy, Cheny, et Bonnard, où les gardes cachent leurs armes et leurs effets, et attendent quelques jours avant de revenir sur Joigny.

Les gardes nationaux auront 5 tués Tripier Auguste, Coltat Auguste, Vilatte Jules, Petit Prosper, Devèze Alphonse de Cézy.

Ce garde national est inhumé à Cézy dans tombe militaire dite « loi du 4 avril 1873 »

Tombe d’Alphonse Devèze au cimetière de Cézy

La position de cette tombe militaire a pu être retrouvée au cimetière, grâce au plan dressé en 1876 par la ville de Cézy, conservé aux archives nationales

Photo Jean Paul Blanchard

Précision : Il a été souvent écrit, par erreur, dans de nombreux récits, que les quatre gardes mobilisés de Villecien Fauvet Casimir, Leclerc Hippolyte, Rogneau Narcisse, et Veillot Edouard, fusillés à Villeneuve sur Yonne le 18 novembre 1870 avaient été fait prisonniers au retour de ce combat d’Esnon. Ils revenaient en fait d’une escarmouche, à hauteur de Saint Julien du Sault contre une compagnie prussienne du major Lehmann envoyé de Sens pour protéger le 10e corps d’armée prussien, contre d’éventuelles attaques de francs-tireurs. (Sources Archives départementales de l’Yonne)

Les prussiens eurent plusieurs mortset une quinzaine de blessés, ce qui était considérable, au vu des forces qui leur étaient opposées, mais les gardes de Joigny qui connaissaient parfaitement le terrain ont pu combattre avec un maximum de protection et se replier avec un minimum de pertes.

  ⃰ Pendant toute la durée du conflit aussi bien du côté français que prussien, les morts et les blessés étaient ramassés afin de masquer ses pertes à l’ennemi. Un rapport prussien après la guerre fera état de 14 blessés et 4 morts à ce combat du 18 novembre.   Les corps de ces derniers n’ont jamais été retrouvés, mais d’après un rapport prussien de 1871 ils sont enterrés dans le Bois de Garenne.(source Archives militaires allemandes)

Les prussiens déposèrent à l’hôpital de Joigny, 3 de leurs soldats grièvement blessés, qui décèderont quelques jours plus tard.

Esper Jacob natif de Westphalie du 57e régiment prussien le 25-11-1870

Fhedik natif de Westphalie du 57e régiment prussien le 24-11-1870

Heitzma natif de la Frise orientale du 78e régiment prussien le 24-11-1870

Ces trois soldats sont inhumés, avec 16 autres soldats prussiens, à Joigny dans une tombe militaire dite « loi du 4 avril1873 »

La position de cette tombe militaire a pu être retrouvée grâce au plan du cimetière de Joigny dressé en 1876, qui est conservé aux archives nationales

Photo Jean Paul Blanchard
Carte du combat d’Esnon 18 Novembre 1870

Sources                                                                                                                              

Archives nationales, archives départementales de l’Yonne

Archives militaires allemandes